Source :capital.fr/
Enquêtes: les-50-plus-grands-patrons-de-l-histoire
John Rockefeller (1839-1937), Standard Oil : roi du pétrole et plus grosse fortune de l’histoire
Un chiffre : 200 milliards de dollars d’aujourd’hui, la plus grande
fortune jamais accumulée par un homme. Ce pactole de John Rockefeller,
créateur de l’industrie pétrolière, a fait de lui l’incarnation du
capitalisme (dans sa version sauvage née aux Etats-Unis à la fin du XIXe
siècle).
La voie du succès n’est pas toute tracée pour ce jeune homme né en 1839 à
New York, descendant d’une famille de huguenots français – les
Roquefeuille – qui avaient fui le royaume de Louis XIV après la
révocation de l’édit de Nantes.
Son grand-père et son père ont tous deux tenté leur chance dans les
affaires, mais ont échoué piteusement. Le père, surtout, vagabond et
instable, sert de contre-modèle à son fils : secrètement bigame et
bonimenteur en affaires, il sillonne les routes pour
vendre des «élixirs miracles» aux vertus plus que douteuses.
vendre des «élixirs miracles» aux vertus plus que douteuses.
La mère exerce une influence plus forte : fréquentant assidûment
l’église baptiste, elle inculque à son fils les principes d’une vie
austère et disciplinée, tournée vers le travail.
Aide-comptable. John suit le chemin classique d’un jeune
d’origine modeste. Après de courtes études, il travaille dans un
commerce de gros à Cleveland, dans l’Ohio. Entré, à 16 ans, au bas de
l’échelle, il se fait remarquer pour son sérieux et sa rigueur, et
devient aide-comptable, puis chef comptable à tout juste 18 ans.
Sa hiérarchie lui refusant une augmentation, il décide de créer sa
propre entreprise. Il racontera plus tard qu’une réponse positive de ses
employeurs aurait changé le cours de sa destinée. Avec un ancien
camarade d’école, il se lance lui aussi dans le commerce de gros,
vendant surtout du sel, du porc et du blé.
La guerre de Sécession leur ouvre alors un marché juteux : le prix des
denrées agricoles explose et le gouvernement leur passe des contrats
considérables pour approvisionner l’armée. Rockefeller, déjà, fait
l’apprentissage de la richesse.
Ce qui va donner à son destin un caractère d’exception, c’est l’une des
phases d’expansion les plus extraordinaires de l’histoire américaine :
entre 1860 et 1900, la production industrielle du pays quintuple. Cette
formidable croissance, tirée par les chemins de fer et l’industrie
chimique, puis par l’électrification du pays, pose la question
énergétique. Le pétrole va fournir la réponse. Le premier puits est foré
aux Etats-Unis en 1859.
Pour Rockefeller, qui a immédiatement saisi l’importance de ce liquide
noirâtre, l’opportunité se présente trois ans plus tard lorsqu’un des
paroissiens de l’église baptiste lui propose de créer une raffinerie de
pétrole. Avec un troisième associé, ils fondent l’Excelsior Oil Works,
qui devient vite la raffinerie la plus importante de la région.
Rouleau compresseur. Après avoir racheté les parts de ses
partenaires, Rockefeller applique méthodiquement deux principes :
comprimer drastiquement les coûts pour être moins cher que ses
concurrents et maîtriser petit à petit toute la chaîne pétrolière, du
stockage du brut à la commercialisation des produits raffinés.
Sa Standard Oil, créée en 1870, avance comme un rouleau compresseur, en
rachetant ou en poussant à la faillite tous les acteurs du marché,
parfois avec des méthodes très brutales. En l’espace de dix ans, cette
concentration horizontale assoit la position dominante de la firme, qui
contrôle 90% de l’industrie américaine du raffinage, du transport et du
commerce pétroliers dès 1880.
Bientôt, Standard Oil se lance même dans la production, mettant la main
sur les champs pétrolifères de l’Indiana et de l’Ohio. S’ensuit une
concentration financière, avec la création d’un trust en 1882, puis
d’une holding en 1889, afin de tenter de contourner la législation
antitrust du Sherman Act. Rockefeller devient le «Roi du pétrole» : sa
fortune atteint 150 millions de dollars de l’époque et son revenu est 20
000 fois plus élevé que le salaire moyen d’un Américain.
Cette position exceptionnelle va néanmoins se retourner contre lui. Si
les Etats-Unis, à l’heure du capitalisme sauvage, adulent la figure de
l’entrepreneur, surtout s’il est parti de rien, en revanche,
l’irrésistible mouvement de concentration des affaires suscite une forte
inquiétude, voire une franche hostilité.
Pour l’opinion publique, la domination du marché par quelques groupes
géants va à l’encontre de la liberté d’entreprendre. Le «trust» apparaît
comme protecteur d’intérêts privés étroits opposés au bien public.
Les politiques eux-mêmes mènent la charge, à l’instar du président des
Etats-Unis, Theodore Roosevelt, qui, dès 1901, fait de Rockefeller une
de ses cibles favorites. C’est ainsi qu’un procès, aussi long que
retentissant, oppose le pouvoir fédéral à la Standard Oil, jusqu’à ce
que la Cour suprême ordonne en 1911 la dissolution de la firme, qui doit
céder le contrôle de ses 33 filiales.
La dislocation de l’empire donne naissance à des entreprises
indépendantes : Mobil, Chevron, Amoco, Esso (les initiales de la
Standard Oil)… Forcé d’abandonner son bien en revendant ses actions,
Rockefeller devient le premier milliardaire américain et l’homme le plus
riche du monde.
Fondation charitable. Comme Carnegie, il va alors consacrer sa
retraite à distribuer une large partie de sa fortune. Ce protestant, qui
ne boit pas, ne fume pas et vit sans ostentation, n’a-t-il pas dit un
jour : «Dieu m’a donné mon argent» ? Il crée donc la fondation qui porte
son nom et la dote d’un capital de 100 millions de dollars (15
milliards d’aujourd’hui).
Elle devient la première institution charitable du monde, investissant
dans l’éducation, la santé et la recherche médicale. De quoi inspirer,
un siècle plus tard, un certain Bill Gates…
Mathieu Carquain.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire